Saviez-vous que les indiens Kali’nas, dans leurs berceuses, font référence à leurs enfants tels des bébés tortues waya:minĝ membo qui doivent apprendre à survivre sans leur mère comme le font les tortillons à peine sortis de leur nid affrontant les dangers de la plage et des océans ? Ou encore, que, sur le ton de la blague, les pêcheurs disent reconnaitre les œufs portant des individus mâles à leur forme oblongue (on se gardera de supposer pourquoi !) tandis que ceux portant des femelles seraient plutôt sphériques ?
Les tortues ont également, et naturellement, imprégné la culture kali’na, au travers notamment de l’art et l’artisanat, ou encore de la musique, des légendes, et des contes populaires. Un conte kali’na donne par exemple une explication à la placidité et la lenteur des tortues : une tortue avait entrepris de grimper sur un arbre atakali (Duroia aquatica), afin d’en consommer les fruits. Pour faciliter son exercice, le reptile avait laissé ses « chaussures » au pied de l’arbre. C’est alors qu’une biche fut témoin de la scène. Ladite biche entrepris quant à elle de nourrir la conversation avec la tortue, et plus précisément en complimentant ses chaussures… Après un long échange laudatif sur les précieux souliers, la biche les chaussa et détala ! « C’est pour cela qu’aujourd’hui la tortue ne court plus […] C’est pour cela qu’aujourd’hui la biche est rapide grâce aux chaussures qui appartenaient à la tortue ». Voilà comment se termine le conte ! Cela ne vous rappelle-t-il pas un certain conte de Jean de la Fontaine ? :)
La tradition kali’na regorge de ce genre d’histoire, et la tortue y occupe une place essentielle. C’est un personnage récurrent, qu’elle soit protagoniste ou deutéragoniste. La tortue, terrestre ou aquatique, y rencontre l’araignée, le lamantin, ou encore le jaguar. Elle y apparait tantôt joueuse et roublarde, tantôt naïve, et d’autres fois encore véloce et chanceuse comme dans ce conte traditionnel kali’na narrant la victoire d’une tortue à la course face au Vent, pour l’amour de la fille d’un roi.
L’artisanat kali’na, telle que la vannerie (essentiellement l’apanage des hommes, selon la publication originale), n’est pas en reste. Laquelle n’est pas avare en motifs représentant des écailles de tortues stylisées. Ces motifs se retrouvent être la base des éléments figuratifs dans l’art de la vannerie (ci-contre un motif représentant les écailles de la dossière d'une tortue). Par ailleurs, les hommes fabriquent également des sièges de bois zoomorphes représentant parfois une tortue la tête et la queue tendues.
Les femmes, quant à elles, ont montré lors de cette rencontre de nombreuses pièces de poterie d’argile rouge, qui, lorsqu’elles sont à but décoratif, représentent le plus régulièrement des animaux. Avec les tatous, les singes, ou les oiseaux, les tortues occupent une place prépondérante dans les motifs choisis.
Poteries zoomorphes représentant, à gauche, une tortue luth adulte, et à droite, une émergence de la même espèce
Il est à noter que les auteurs ne manquaient pas, au sein de cette publication âgée de plus de 40ans, de relever le fait que si ces arts traditionnels pouvaient sembler péricliter pour faire place à des objets utilitaires bon marché à destination des touristes, les techniques étaient toujours bel et bien vivaces au sein des villages, et notamment pour la confection d’ustensiles à usage ménager. Qu’en est il aujourd’hui ?
Et voilà que s’achève notre 2e épisode, narrant cette lointaine et étonnante rencontre. Si vous souhaitez en apprendre davantage sur cette aventure témoin d’un passé âgé de plus de 40ans, nous vous invitons à jeter un œil à la publication originale (1978) !
A très vite :)
A suivre : « Souvenirs Guyanais : les tortues marines dans la tradition culinaire Kali’na »
コメント