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Jade la Luth a parcouru 16 000 km en 217 jours, depuis son départ de Guyane !

Dernière mise à jour : 26 janv. 2021

Après avoir tenu en haleine les équipes des réseaux tortues marines de Guyane et du Canada pendant 3 longues semaines, une Tortue luth de 25 ans au moins, suivie par balise Argos GPS depuis juillet 2019, a été retrouvée dans l'Ouest guyanais en juin 2020 puis rééquipée avec du matériel neuf, pour assurer la continuité de son suivi à plus long terme. Elle a depuis mis le cap vers le nord et parcouru 16 000 km, en quête de nourriture. Cette coopération au-delà des frontières, rend désormais possible un suivi inédit d’une Luth durant un cycle complet (migrations pré et postnuptiales, reproduction).

C’est un message envoyé le 13 mai par Mike James, chercheur au Canada, qui a alerté la Guyane de l’arrivée imminente de cette tortue sur les plages de la réserve naturelle de l’Amana :


« La Luth que nous avons équipée d’une balise ARGOS en juillet 2019, est en train d’approcher de Yalimapo. D’après ses mouvements il est clair qu’elle revient chez vous pour pondre ! »


Grâce à la puce électronique de la taille d’un grain de riz qui a été insérée dans son épaule, cette femelle avait déjà été repérée sur la plage des Hattes à Yalimapo lors des suivis effectués en période des pontes en 2007, puis en 2011, 2013, 2015 et 2018. Les tortues luths, à l’instar des autres espèces de tortues marines, reviennent en effet faire leur nid sur la même plage, plusieurs fois au cours de leur vie. Les suivis satellites effectués par Damien Chevallier (CNRS-IPHC) grâce aux balises fixées sur des femelles qui pondent en Guyane, ont permis de constater qu’elles mettent le cap au nord après la période des pontes, parcourant des milliers de kilomètres dans l’Atlantique à la recherche des méduses dont elles raffolent.


En juillet 2019, Mike et son équipe ont rencontré cette Luth en pleine mer, au large des côtes canadiennes, et l’ont capturée pour lui fixer une balise GPS Argos sur le dos. C’est le numéro de sa puce électronique insérée dans son épaule et qui constitue une véritable carte d’identité, qui a permis à Mike de savoir qu’elle venait de Guyane. Après plusieurs mois de surveillance attentive de ses trajets, Mike a contacté le Réseau tortues marines Guyane pour lui demander de l’intercepter et de récupérer la balise, qui contient de précieuses données enregistrées durant 11 mois, et qui permettront d’en savoir plus sur son comportement migratoire.

Jade le 22 juillet 2019 au Canada Trajet de Jade entre le Canada et la Guyane


Pendant 21 jours, les différentes équipes basées au Canada (ministère responsable de la protection des océans), en Martinique (CNRS-IPHC) et en Guyane (OFB) ont suivi attentivement les péripéties de cette tortue à l'approche de son lieu de ponte, grâce à une cartographie satellite faisant état de ses déplacements :

Elle a navigué tranquillement d’Est en Ouest, entre Cayenne et Sinnamary, s’est rapprochée des côtes pour se reposer puis est repartie vers le large à la recherche de mâles pour s’accoupler. La géante franco-canadienne les a ainsi menés en bateau, laissant croire à plusieurs reprises qu’elle était sur le point de sortir de l’eau pour venir pondre.


L’interprétation de son parcours a conduit Mike et Damien, en communication constante les trois semaines qui ont précédé la ponte, à imaginer différents scénarios :


(Damien Chevallier) « Sa trajectoire correspond à ce que j’avais prédit il y a quelques jours : les femelles partent vers le large pour atteindre les zones où les mâles les attendent pour l’accouplement, et probablement pour se nourrir (ce que les données enregistrées dans la balise pourront nous confirmer quand nous l’aurons récupérée). Elle est d’abord restée près de la côte durant quelques jours pour éviter les mâles afin de pouvoir se reposer un peu après son long voyage. Pour le moment, sa trajectoire est similaire à celle que les Luths de Yalimapo adoptent entre deux pontes. Je n’en dis pas plus, ces espèces nous surprennent toujours ! »


Et la tortue n’a effectivement cessé de les surprendre ! Feignant qu’elle s’apprêtait à pondre en s’approchant des côtes, puis se ravisant finalement pour s’éloigner vers le large. Va-t-elle pondre ce soir ? Demain ? Décidera-t-elle de pondre ailleurs qu’à Yalimapo ? Après de nombreux rebondissements au gré de son tempérament imprévisible, plusieurs faux départs pour partir à sa rencontre, des patrouilles nocturnes effectuées en vain… C’est finalement dans la soirée du 3 juin qu’elle leur a donné le rendez-vous :

(Damien Chevallier) « Elle en route, cette fois c’est certain ! »


Lesley, habitant du village ayant déjà contribué aux suivis de tortues avec le CNRS, a reçu l’alerte et s’est immédiatement rendu sur place. Après avoir scruté la plage pendant plusieurs heures, c’est vers 4h du matin qu’il l’a finalement vue sortir de l’eau :


« J’ai enfin trouvé la Canadienne ! »

Il a patiemment attendu qu’elle commence à pondre ses œufs pour retirer l’engin fixé sur son dos sans qu’elle ne s’en aperçoive, puis l’a regardée reboucher son nid et disparaître à nouveau dans l’océan.

Les données collectées grâce aux suivis exhaustifs des femelles durant la saison des pontes depuis plusieurs années, ainsi que celles issues du suivi satellitaire, ont permis de découvrir qu’une tortue luth nidifiant dans l’Ouest guyanais, vient pondre 4 fois en moyenne au sein d’une même saison, et ce à environ 10 jours d’intervalle. La fameuse tortue qui a réservé tant de surprises à nos équipes n’a pas dérogé à la règle. En effet, Damien Chevallier s’est rendu une semaine plus tard en Guyane, dans le but de la rééquiper avec une balise Argos neuve pour pouvoir continuer de la suivre après la saison des pontes. Après 3 longues nuits de patrouilles effectuées sur la plage à sa recherche, 152 km de marche et des milliers moustiques affrontés, c’est finalement le 14 juin qu’il a fini par la retrouver :


« J’ai tout de suite su qu’il s’agissait bien de cette tortue grâce aux photos que Lesley avait prises 10 jours auparavant, et aux marques qui la caractérisent ».


Damien, habitué de l’exercice, a pu fixer sa balise Argos neuve sur le dos de Jade pendant qu’elle pondait. Cette coopération au-delà des frontières, rend désormais possible un suivi inédit d’une tortue luth durant un cycle complet (migrations pré et postnuptiales, reproduction) ! En effet, l'engin se détache généralement au bout de quelques mois, voire un an, et disparait en mer. C’est grâce à la mobilisation des équipes en Guyane que la continuité du suivi de Jade est exceptionnellement assurée sur du plus long terme (quasi deux ans), permettant de collecter de nouvelles données sur le comportement et la disparition des Luths tout au long de leur cycle de vie, et ainsi mieux savoir comment les protéger.







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